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Cette fuite de cerveaux qui n'est pas près de s'arrêter

Depuis quelques temps, partir est la seule option pour bon nombre de jeunes haïtiens rêvant d'une vie meilleure. Selon les autorités, 85 000 haïtiens auraient quitté le pays entre 2014 et 2016. Ce qui prouve pour une énième fois que ces derniers en ont marre de ce pays ne leur offrant aucune perspective pour s'émanciper et vivre décemment.

Avec la hausse du flux migratoire vers certains pays de l'Amérique, plus particulièrement le Chili, qui continue de recevoir un nombre considérable de migrants haïtiens, les jeunes travaillent du bec et des ongles en vue de fuir la précarité économique. Ce qui fait que la diaspora haïtienne devient de plus en plus un élément important pour l'économie du pays.

Beaucoup d'entre eux sont ceux qui ont obtenu un Bacc II. Il y en a d'autres qui ont bouclé leurs études universitaires et ceux qui étaient professeurs d'école… La précarité n'épargne personne de la populace. Ces jeunes-là sont ridiculisés parfois par des artistes dans leurs chansons. Si on prend en compte les propos ridicules lancés à leur encontre dans la méringue carnavalesque 2017 de  «Kreyòl la» la bande à Joseph «Ti Joe» Zenny, chanteur qui, par la suite, soit en septembre dernier, avait fait une blague discriminatoire à l'encontre des couches sociales les plus défavorisées sur twitter. Parfois ce sont eux que la société essaie de blâmer. Comme pour poursuivre la coutume de «culpabiliser les victimes» d'un système «peze-souse». Ils deviennent la risée du pays. Pourtant ils sont de loin plus pragmatiques que bon nombre d'entre nous qui y vivent encore. Ils sont peut-être dans un pessimisme réaliste et non dans un nationalisme aveuglé où partir pour eux est tout simplement une nécessité. Nous n'avons pas tous les même possibilités. Nous ne vivons pas tous dans les mêmes situations sociales. Toutes les conditions sont réunies pour que les jeunes aient envie de partir. Nous ignorons parfois qu'il y a des gens dans le pays qui ne mangent que chaque deux jours. C'est cette réalité qu'on essaie de cacher avec certains slogans aussi fictifs que propagandistes genre «Haïti is open for business », «Ayiti ap vanse.»  ou encore le dernier en date «Ayiti sou wout chanjman» alors qu'on s'enfonce davantage dans la misère la plus abjecte.

Parfois ce sont des gens avec un micro qui stigmatisent ces jeunes qui partent pour le Chili en affirmant «Yo te ka pran lajan an yo fè yon biznis pito.» Conclusion hâtive, trop simpliste comme point de vue. Comme si entreprendre est une simple formalité. Comme qui dirait une telle démarche ne nécessite pas certaines exigences. Et en plus avec quel capital ?

Cette fuite de cerveaux n'est pas près de s'arrêter. Ces jeunes sont fatigués de vivre dans un pays où il est difficile de trouver un emploi même avec des diplômes. Fatigués de vivre dans un pays qui ne fait que piétiner leurs rêves. Ces jeunes ont besoin d'étudier. Ils ont besoin de vivre décemment. Et ils ne cesseront de partir que quand il y aura de la justice sociale. Quand il n'y aura plus de politique d'exclusion au sein de la société haïtienne. Mais le chambardement, le chambardement tarde à voir le jour.

Joubert Joseph

Crédit photo : Journal 509

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