( En hommage aux personnes tombées sous les balles des bandits en Haïti ) Ici, à Port-au-Prince, courir est un reflexe. C’est comme faire fuir une mouche d’un geste de la main. On n’apprend à personne comment se débarrasser d’un insecte nuisible. On sent sa piqure, on réagit. C’est comme ça depuis un certain temps. Quand on est dans la rue, rentrer chez soi est une obsession ; on marche très vite, on veut retrouver sa famille. On ne fait pas exprès quand on évite de parler aux gens, surtout aux inconnus. Ici, parler de monsieur untel, surtout si c’est un bandit, c’est signer son arrêt de mort. Et personne ne veut mourir. Mourir au milieu de la rue, sur le trottoir. C’est effrayant. On ne sait rien sur toi, et rien de ce que tu as accompli n’a de sens. L’ambulance arrive, et puis toi et tes diplômes, tes années de travail, tout ça va à la morgue. Plus tard, si personne ne vient réclamer le corps, c’est rien… on n’entendra plus jamais parler de toi. Voilà ce à quoi on est exposé quand