Bien des années après sa généralisation, le nouveau programme instauré dans le système éducatif haïtien appelé "Secondaire rénové" ou "Nouveau Secondaire" n'est pas encore effectif. Les bases n'ont pas été posées dès le départ pour bien implanter ce programme ambitieux qui arborait un grand espoir pour l'Education en Haïti. Un coup d'œil sur les nouvelles matières obligatoires intégrées dans le curriculum du secondaire peut en témoigner: Éducation à la citoyenneté, Introduction à l'économie, Éducation physique et Sport, Éducation artistique et esthétique, Informatique. Des matières qui permettraient le développement de nouvelles compétences chez les élèves tout en alliant la théorie et la pratique par des activités de production. Mais ce programme peine à atterrir dans les écoles.
Le problème de ressources humaines se fait sentir par la carence en professeurs compétents pour ces matières qui requièrent une certaine spécialisation pour dispenser les cours. Alors que déjà la plupart de ceux qui siègent en salle de classe n'ont même pas une licence de l'Ecole Normale Supérieure aucune formation adéquate n'a été donnée au préalable à des professeurs pour enseigner ces nouvelles matières aux élèves. Certains font tout simplement connaissance avec les matières et apprennent sur le tas en se rendant dans les classes.
Des directeurs crient à la production de manuels pour le Nouveau Secondaire. En effet, il n'existe presque pas de manuels disponibles homologués par le Ministère de l'Education et de la Formation Professionnelle (MENFP) pour le NS. Jusqu'à présent il paraît que les maisons d'édition qui élaborent des manuels scolaires n'ont pas encore produit pour le NS. Directeurs et professeurs se démènent pour photocopier des manuels venant de l'étranger et les passer aux élèves. Aujourd'hui en 2018, l'uniformisation des manuels n'est pas réglée par le Ministère.
Un aspect non négligeable de la question reste le cas des écoles qui manquent terriblement de moyens pour se mettre au diapason. Afin d'exploiter convenablement le programme, une école nécessite un certain conditionnement comme une salle d'informatique par exemple. Déjà certaines écoles ont beaucoup de mal à honorer le salaire des professeurs qui font partie de leur staff professoral. Parfois, avec un effectif réduit, les maigres récoltes financières ne leur permettent même pas de subvenir aux propres besoins de l'établissement. Ces écoles, dites de petite bourse, confrontent un problème majeur: engager de nouveaux professeurs, se doter de laboratoires augmentent leur budget et mènent tout droit à la hausse des frais scolaires. Et rappelons-nous la loi sortie l'année dernière sur la régularisation des frais scolaires.
Il est vrai qu'une expérimentation a été conduite sur un échantillon de 158 écoles mais le résultat a-t-il été aussi probant pour lancer la généralisation? Apparemment, tout marche plutôt bien dans quelques établissements tel le Lycée Alexandre Pétion (une école reconstruite) qui a toutes les structures. Mais qu'en est-il de la grande majorité dont les moyens sont trop faibles? D'ailleurs des écoles publiques crient au secours faute de moyens financiers pour appliquer le programme. Le nombre d'heures allouées aux matières devrait occuper presqu'une journée, d'où l'impossibilité de fonctionner en deux vacations (Matin et Soir). Quel contrôle le Ministère arrive-t-il à exercer sur les écoles qui disent adopter la résolution jusqu'à présent ? A part ce programme mis à leur disposition, quel accompagnement leur fournit-il ?
Tout compte fait, la décision de généraliser le Nouveau Secondaire s'est avérée impromptue. Même si ce programme pourrait être bénéfique pour la jeunesse et le pays, li faut reconnaître que nous n'étions pas encore prêts. Mais hélas! Nous y sommes entrés tête baissée sans les moyens indispensables, une campagne complète auprès des écoles, un accompagnement digne et des matériels didactiques nécessaires. On se demande quelles seront les conséquences de ce nouveau programme sur le système éducatif haïtien déjà en péril avec les échecs cuisants répétés au Bacc. Après le PSUGO qui a fait de nombreux mécontents parmi les directeurs, vient le secondaire rénové avec ses espoirs mais aussi son lot de problèmes. Le Nouveau Secondaire sera-t-il une épine au pied de notre système éducatif ou pourra-t-il compenser sa faiblesse ? L'avenir nous dira mais les conditions d'implantation du programme sont vues en oiseau de mauvaise augure.
Witensky Lauvince
Crédit photo : Logan Abassi
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